L’agrivoltaïsme consiste à installer des panneaux solaires au service de l’activité agricole. L’idée n’est pas de transformer une parcelle en centrale électrique, mais d’aider la production. Le cadre juridique de l’agrivoltaïsme n’autorise ces projets qu’à une condition simple : l’agriculture doit rester l’activité principale et continuer à produire normalement.
En quoi l’agrivoltaïsme diffère du photovoltaïque « classique » (point de vue légal)
L’agrivoltaïsme est un projet agricole avant d’être énergétique. À la différence d’un parc photovoltaïque « classique » sur toitures, parkings, friches… ou au sol sans vocation agricole, un projet agrivoltaïque doit garantir qu’il soutient concrètement la production : rendement préservé, surfaces inutilisables limitées, disposition des panneaux compatible avec les engins et le pâturage, et possibilité de démonter et remettre en état la parcelle. Sans ces garanties, ce n’est plus de l’agrivoltaïsme et le projet est traité comme du photovoltaïque au sol… souvent irrecevable sur des terres agricoles au regard du cadre légal.
Ce que cela veut dire, concrètement (cadre juridique)
Un projet agrivoltaïque est acceptable si, une fois les panneaux installés, la ferme continue de tourner normalement. Les cultures doivent pousser, les engins agricoles doivent circuler, les animaux doivent pouvoir pâturer. Le porteur de projet doit pouvoir le prouver avec des éléments objectifs : une parcelle de comparaison, des mesures de rendement, un suivi régulier de la production. S’il apparaît que les panneaux empêchent de cultiver ou réduisent nettement la production, le projet n’est pas conforme à l’esprit de la règle.
Avant de signer quoi que ce soit
Objectifs agricoles et plan opérationnel
Définissez un objectif clair pour les panneaux sur votre exploitation. Par exemple : limiter le stress hydrique sur une vigne, protéger une prairie très exposée, sécuriser un verger sensible à la grêle. Élaborez ensuite un plan très concret : emplacement des poteaux, hauteur sous panneaux pour laisser passer le tracteur, par où entrent les camions pendant le chantier, etc. Plus ce plan est précis, moins vous aurez de mauvaises surprises.
Cadre légal et acteurs publics
Vérifiez ensuite l’environnement réglementaire. Dans chaque département, des documents de planification et des commissions (telles que la CDPENAF) veillent à la protection des terres agricoles. Leur but n’est pas de bloquer les projets, mais d’éviter les installations mal placées ou mal conçues. Il est souvent utile d’échanger très tôt avec la chambre d’agriculture et les services d’urbanisme. Cela permet d’ajuster le projet sans perdre de temps. Pour les aspects environnementaux connexes, voir la page avocat en droit de l’environnement.
Les contrats à prévoir (et leur logique) — approche juridique
En général, on trouve trois acteurs dans un projet agrivoltaïque : le propriétaire du terrain, l’exploitant agricole et le développeur du projet solaire. Le propriétaire et l’exploitant restent liés par un bail rural éventuellement ; on y ajoute alors un avenant ou une convention agrivoltaïque qui explique comment l’installation cohabitera avec l’activité agricole. Le développeur, de son côté, signe une convention qui fixe ses droits et obligations : accès au site, travaux, entretien, assurances et fin de projet.
Clauses essentielles du contrat agrivoltaïque
Quelques clauses essentielles sont à prévoir dans ces contrats :
- Prévoyez d’abord un objectif agricole mesurable. Inscrivez que la production agricole doit rester proche de la normale, et indiquez comment vous le vérifierez (mesures de rendement, suivi vétérinaire, état des prairies).
- Organisez l’accès au site et la circulation des engins pour éviter qu’une simple clôture ne bloque la moisson.
- Fixez un calendrier de chantier compatible avec les périodes sensibles pour l’exploitation.
- Encadrez les indemnités et les loyers afin de ne pas faire supporter à l’exploitant les pertes agricoles éventuelles.
- Prévoyez la réversibilité du projet : démontage et remise en état. Exigez une garantie financière dédiée au démantèlement — point crucial du cadre juridique.
Les autorisations : ce qui change par rapport au PV « non agricole »
Dossier d’urbanisme et intérêt agricole (exigences légales)
Un projet agrivoltaïque doit déposer une demande d’autorisation d’urbanisme (souvent un permis de construire) avec un dossier plus étoffé que pour du photovoltaïque classique. Il faut y expliquer et prouver l’intérêt agricole du projet : description de la parcelle, objectifs recherchés (ombrage, protection des cultures, bien-être animal), existence d’une parcelle témoin ou références de comparaison, plan de suivi des rendements et des effets sur l’élevage, et justification que la ferme restera pleinement exploitable (hauteur des installations, espacement, accès pour le matériel agricole). Le dossier doit également montrer que les surfaces agricoles rendues inutilisables sont limitées et que l’installation pourra être démontée, garantie financière à l’appui. Selon les départements, la commission agricole (CDPENAF) est consultée, ce qui peut allonger les délais d’instruction. Pour les aspects de procédure relevant du droit public, voir aussi droit public et contentieux administratif.
Photovoltaïque non agricole : droit commun
À l’inverse, un photovoltaïque « non agricole » relève du droit commun des autorisations d’urbanisme, c’est-à-dire du droit public applicable aux installations classiques : on ne vous demande ni démonstration agronomique, ni suivi agricole, et la CDPENAF n’est pas systématiquement concernée. En pratique, un parc photovoltaïque au sol sur des terres agricoles sans volet agricole sérieux est très difficile à faire accepter hors des zones expressément prévues par les documents locaux d’urbanisme : il sera généralement refusé.
Pendant l’exploitation : mesurer, corriger, documenter
Suivi juridique et technique
Une fois l’installation en service, il faut mettre en place un suivi simple du projet agrivoltaïque : mesures de rendements, photographies à dates fixes, relevés sur la pousse de l’herbe ou la santé du troupeau, etc. Si les résultats s’écartent de l’objectif fixé, les contrats doivent prévoir des mesures correctives pour y remédier : modifier l’orientation des panneaux, augmenter leur espacement, adapter la hauteur, ou compenser l’exploitant quand l’activité agricole en souffre. Ce suivi n’est pas de la paperasse : c’est un filet de sécurité juridique en cas de discussion avec l’administration… ou de conflit avec le développeur.
Fin de projet : pas de surprise
Réversibilité et garanties
Pour la fin du projet, anticipez chaque détail afin d’éviter les mauvaises surprises :
- Déterminez qui fait quoi une fois l’exploitation arrêtée : qui démonte l’installation, dans quel délai, et avec quel niveau de remise en état de la parcelle.
- Précisez qui contrôle la bonne exécution de ces opérations, et à quel moment les servitudes (accès, tranchées) seront levées.
- Prévoyez une garantie financière dédiée, couvrant démantèlement et remise en état.
- Inscrivez ces engagements dans les contrats et, si possible, publiez les servitudes au service de la publicité foncière.
En résumé (aspects juridiques clés)
Un projet agrivoltaïque bien ficelé suit cinq piliers : l’agriculture d’abord, des contrats clairs, des autorisations adaptées (avec preuve de l’intérêt agricole), un suivi lisible, et une réversibilité garantie. Si vous respectez ces points, vous réduisez les risques juridiques et donnez une chance réelle à votre exploitation de bénéficier du solaire sans renier sa vocation agricole. Les aspects juridiques de l’agrivoltaïsme étant multiples, ils doivent être abordés avec rigueur — en tenant compte des évolutions de la loi et, le cas échéant, de la jurisprudence.
Pour toute question juridique relative à un projet agrivoltaïque, l’accompagnement par un avocat peut sécuriser vos démarches : le cabinet intervient en droit de l’environnement et en droit public / contentieux administratif.