Un débiteur défaillant, en RJ ? une déclaration de créances, pourquoi, quand, comment ?
I. A QUOI SERT UNE DECLARATION DE CREANCES ?
Dans le cadre de votre activité professionnelle, vous êtes amenés à être en relation habituelle avec des fournisseurs, clients, partenaires, locataires commerciaux, locataire gérants, etc...
Lorsque l’un d’entre eux est débiteur d’une somme à votre égard, et fait l’objet d’une mesure de sauvegarde, d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire, en tant que créancier vous devez absolument déclarer votre créance impayée auprès des organes désignés dans la procédure pour espérer récupérer les sommes qu’ils vous doivent, à tout le moins sauvegarder vos intérêts et aussi ceux de tiers qui seraient, dans certaines situations, subrogés ( ex : assurance,banque) dans vos droits.
Il est important de faire une déclaration de créances même si selon les apparences vous n'avez que très peu de chance, compte tenu du passif du débiteur et du super-privilège de certains créanciers (trésor public) de récupérer tout ou partie de la créance à supposer qu'elle soit admise.
Si la déclaration de créance n'est pas faite, la créance est est tout simplement éteinte et disparait.
Par ailleurs dans certains circonstances et situations l'absence de déclarations de créances pourrait vous être reprochée ( subrogation légale impossibles).
Comme toute demande en justice, la déclaration de créance aura un effet interruptif de prescription jusqu'à la clôture de la procédure collective.
Quelque soit la nature de la créance civile ou commerciale, toutes les créances existant avant le jugement d’ouverture de la procédure, à l’exception des créances salariales, sont soumises à cette déclaration.
Il s’agit tant des sommes échues que des sommes à échoir, à savoir celles que le débiteur devra payer plus tard, à une date fixée par contrat.
La déclaration doit être effectuée même si la créance n’est pas encore établie par un titre ou si son montant n’est pas encore définitivement fixé.
Il peut donc s’agir (liste non exhaustive) :
- d’une créance certaine (facture émise ou à émettre),
- d’une dette future qui résultera de l’exécution d’un contrat,
- d’une indemnisation potentielle sur un procès en cours,
- d’une créance correspondant à du matériel livré avec clause de réserve de propriété ….
Les créances postérieures au jugement d’ouverture sont également soumises à déclaration, sauf les créances alimentaires, celles portant sur la fourniture d’une prestation au cours de la période d’observation (sauvegarde, redressement judiciaire), et celles causées par le déroulement de la procédure
II. DANS QUEL DELAI DECLARER ET COMMENT ?
La déclaration de créance doit être faite dans un délai de 2 mois maximum à compter de la publication au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) du jugement ouvrant la procédure.
En principe, dans le délai de quinze jours à compter du jugement d’ouverture, le représentant des créanciers (mandataire liquidateur en cas de liquidation judiciaire) avertit les créanciers connus d’avoir à lui adresser leurs créances dans un délai de deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC.
Ce dernier délai est allongé de deux mois pour les créanciers domiciliés hors de la France métropolitaine, et d’un mois à l’issue de la résiliation des contrats en cours pour les éventuelles créances.
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Pourquoi anticiper ?
Il est vivement conseillé de consulter régulièrement sur le site du BODACC (www.bodacc.fr) qu’un jugement de procédure collective concernant son débiteur – surtout si celui apparaît douteux et/ou commence a avoir du retard dans ses paiements et/ou se trouve carrément défaillant - n’est pas intervenu.
En effet, le représentant des créanciers (ou mandataire liquidateur) n’avertit pas forcément tous les créanciers car il ne les connait pas forcément tous !!!
Le point de départ diffère pour les créances nées après le jugement d'ouverture, puisque c’est celui de la date d'exigibilité de la créance.
Si le créancier dispose d'une sûreté publiée (par exemple, une hypothèque publiée au registre de la Conservation des Hypothèques) ou est lié au débiteur par un contrat publié (peuvent notamment être publiés les contrats de location-gérance, de crédit-bail immobilier…), il doit déclarer sa créance au plus tard deux mois après la réception de "l'invitation à déclarer" envoyée par lettre recommandée avec accusé de réception
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Et si le délai pour effectuer la déclaration de créances est dépassé ?
Le non-respect des délais entraine la forclusion, c'est-à-dire à l'impossibilité de prétendre au paiement des sommes dues. Dans ce cas, la loi a prévu la possibilité de solliciter du juge-commissaire un relevé de forclusion.
La requête sera acceptée par le juge si :
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elle intervient dans les six mois de la publication du jugement d'ouverture au BODACC, ce délai étant porté à un an pour les créanciers placés dans l'impossibilité de connaître l'existence de leur créance avant l'expiration du délai de 6 mois précité. Pour les créanciers titulaires d'une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié, ce délai court à compter de la réception de l'avis qui leur est donné.
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le créancier parvient à apporter la preuve que la non-déclaration dans les délais légaux n'est pas de son fait (hospitalisation, par exemple) ou est due à une omission du débiteur lors de la remise de la liste des créanciers.
Si le relevé de forclusion est accordé, le créancier devra déclarer sa créance dans le délai d'un mois à compter de la décision le relevant de la forclusion.En cas de rejet de la requête, le créancier peut faire appel dans un délai de dix jours.
Un avocat peut assister le créancier pour toute la procédure de relevé de forclusion.
III. COMMENT EFFECTUER SA DECLARATION DE CREANCES ?
Chaque créancier doit communiquer la liste de ses créances :
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soit au mandataire judiciaire (entreprises clientes ou partenaires commerciaux sous sauvegarde ou en redressement judiciaire),
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soit au liquidateur (entreprises clientes ou partenaires commerciaux en liquidation judiciaire).
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Il doit notamment indiquer :
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le montant de la créance due au jour du jugement d'ouverture avec indication des sommes à échoir et leur date d'échéance,
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la nature de la garantie, du privilège ou de la sûreté dont la créance est assortie,
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les intérêts légaux ou conventionnels, les intérêts de retard et les majorations,
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les modalités de calcul des intérêts dont le cours n'est pas arrêté, cette indication valant déclaration pour le montant ultérieurement arrêté.
Si elle ne résulte pas d'un titre exécutoire (jugement, acte notarié, etc.), la créance déclarée doit être certifiée sincère par le créancier, le visa de l'expert-comptable sur la déclaration pouvant être demandé par le juge-commissaire et le refus de visa devant être motivé.
Une déclaration ne portant aucun montant, un montant indicatif ou un montant ne concordant pas avec les justificatifs fournis sera rejetée.
Par ailleurs, le créancier ne pourra pas augmenter le montant de la créance déclarée après l'expiration du délai de déclaration d’où l’intérêt d’effectuer dès le départ une déclaration conforme et complète.
QUEL EST L’INTERET DE CONFIER LES FORMALITES DE DECLARATION A UN CONSEIL ?
Au vu des effets d'une déclaration non efficace et rejetée, il faut accorder à l'établissement de la déclaration une importance élevée.
Elle doit être complète, claire, être faite dans les délais et comporter tous les documents prévus.
Il devient donc prudent de sécuriser l'opération et de se faire assister par un avocat.
Autre avantage, l’avocat, à la différence d’un préposé appartenant à l’entreprise, d’une association créancière, d’un huissier ou d’un mandataire de son choix, n’a pas besoin de délégation de pouvoir et n'a pas à justifier d'un pouvoir spécial (CPC art. 853, al. 3).
Dès information de l’ouverture d’une procédure collective touchant un partenaire commercial, il faudra adresser au conseil choisi, avec toutes les explications sur la situation et l'historique, le maximum de documents justifiant du montant de la créance, à titre d’exemple de façon non exhaustive:
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contrat sous-seing privé, acte authentique, titre exécutoire à l’origine de la créance
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copie des conditions générales de vente, d’achat et des tarifs généraux pratiqués,
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copie des courriers de relance, de mise en demeure et de tous les commandements ou sommations d’huissier,
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copie de toutes les factures,
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copie des bons de commande ou de livraison
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en règle générale tous les échanges de courriers et de mails avec ce client ou partenaire commercial.
Enfin, l’avocat prendra à sa charge les éventuelles requêtes en relevé de forclusion ainsi que les réponses rapides (sous 30 jours) aux éventuels courriers de contestation adressés par le mandataire judiciaire et la procédure devant le juge commissaire :
IV. ET APRES LA DECLARATION DE CREANCES ?
En effet, le mandataire judiciaire ou le liquidateur qui reçoit les déclarations de créances établit en accord avec le débiteur une liste des créances déclarées avec ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi. Cette liste est transmise au juge commissaire qui tranche les contestations éventuelles.
Lorsque le mandataire judiciaire examine les déclarations, certaines créances peuvent lui apparaître contestables en tout ou partie. Il doit, dans ce cas, aviser le conseil que le créancier aura choisi.
Cette lettre doit préciser l'objet de la contestation et doit indiquer aussi le montant de la créance dont l'inscription est proposée.
Le créancier ou son conseil doit adresser sa réponse dans les 30 jours à partir de la réception de la lettre.
Les parties sont ensuite convoquées à l’audience du juge commissaire qui statuera sur le sort de la créance. Le juge commissaire ne peut rejeter tout ou partie d’une créance sans entendre le débiteur.
Les décisions d'admission ou de rejet des créances ou d'incompétence prises par le juge-commissaire sont portées sur un état des créances.
Le greffier va alors insérer au BODACC une annonce précisant que l'état des créances a été déposé au greffe du Tribunal où toute personne intéressée peut en prendre connaissance. Il suffira de demander une copie de l'état des créances au greffe.
Les parties et les organes de la procédure peuvent contester les décisions du juge commissaire devant la Cour d’Appel.
Les tiers (les cautions, les autres créanciers…) peuvent également former une réclamation auprès du juge commissaire dans le mois suivant la publicité au BODACC du dépôt au greffe de l’état des créances.
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